
Bonjour !
Je crois bien que je n'ai jamais écrit d'article sur l'écriture... J'ai écrit sur le blogging, sur le fait d'écrire pour soi, sur la différence entre ce que l'on croit dire et ce que l'on dit (j'en ai même fait deux !), mais jamais sur le processus d'écriture et les problèmes des jeunes écrivains. En même temps il faut dire que les sujets sont toujours les mêmes : diversifier son vocabulaire, affronter la page blanche, faire relire, etc., etc., etc. Mais là j'ai décidé de sortir de mon silence et de m'élever contre une critique qui revient souvent et qui pourtant est idiote ou du moins tombe juste à côté du vrai problème. Le cas de la phrase trop longue.
Le monde entier semble décidé à tout mettre en place pour nous empêcher de faire des phrases longues. Des profs qui nous supplient, désespérés (j'exagère, j'avoue :P), de ne pas faire des phrases de cinq lignes, jusqu'aux membres de forum, pourtant jeunes écrivains eux-mêmes, qui nous demandent de couper des phrases en deux, en passant par les bêta-lecteurs. Sauf que moi, vous voyez, je suis une adepte de la phrase longue, parce que dans une phrase longue on peut jouer avec le rythme et puis on peut aussi jouer avec le rythme des phrases qui environnent notre phrase longue. Vous voyez ? Et l'écriture c'est aussi un jeu sur le rythme. Notre langue est formidable, pourquoi se priver ?
Une phrase n'est jamais trop longue : elle est ressentie trop longue. Ce n'est pas pareil. Et si elle est ressentie trop longue c'est parce que le lecteur perd le fil, ne comprend plus, ne sait plus ce qu'il lit et que son attention se délite un peu plus à chaque mot supplémentaire n'étant désespérément pas suivi d'un point salvateur. Et si le lecteur perd le fil ce n'est pas parce qu'il est idiot mais simplement parce que l'auteur a mal fait son taf et a mal balisé sa phrase, l'a mal ponctuée.
Je suis inscrite sur le forum Jeunes Écrivains et, justement, aujourd'hui, une commentatrice a demandé à un membre qui avait sollicité un avis sur un extrait de couper en deux sa première phrase. Il faut dire qu'effectivement elle avait un petit problème, cette phrase. Mais un petit problème qui nécessitait une solution bien moins violente, radicale et traumatisante qu'une amputation de quelques mots, une solution magique, merveilleuse, extraordinairement adaptée : le point-virgule. Si si, je vous jure ! Le point-virgule ! Extraordinaire création de la langue écrite que cette chimère hybridée d'un point et d'une virgule, source de respiration et de sens. Et qui n'ampute pas la phrase de son intégrité physique. Ni stylistique d'ailleurs car, bien souvent, quand on remplace une virgule par un point-virgule on ne fait que rattraper la bourde écrite et accorder l'écrit à la respiration imaginée à l'oral.
Et quand ce n'est pas la faute de l'auteur, c'est celle du lecteur. J'avoue avoir été parfois perdue au parcours d'une phrase longue de Victor Hugo, mais c'est difficile d'imputer ça à sa faute à lui (sans blague ! :P). Parfois c'est vrai, on pense à autre chose pendant qu'on lit, ou on lit sans trop faire attention, et on ne comprend pas. Mais bien souvent c'est la faute de l'auteur, quand même.
Tout ça pour dire que, non, il n'y a pas de phrase "trop longue". Une phrase ressentie comme trop longue par le lecteur est simplement mal ponctuée. Mais ce n'est pas la taille de la phrase en elle-même qui pose problème.
Conclusion : la bonne longueur c'est quand les pieds touchent bien par terre.
Source photo – thi loan tran