
Bonjour !
La porte de la salle de bain est fermée. Je demande à ma soeur si je peux entrer et elle me répond : "non, me dérange pas pendant ma reféminisation". Elle était en train de se raser. Alors, même si elle l'a dit avec un sourire, ce terme de "reféminisation" est assez significatif de quelque chose et il s'inscrit dans d'autres questionnements autour de ce qu'est une femme et de ce qu'est la féminité.
L'autre jour je suis tombée sur C l'hebdo et l'actrice qui était invitée, cinquante-deux ans, a dit que, quand elle avait eu ses règles, sa mère lui avait dit que maintenant elle était une femme : désormais qu'elle ne les a plus, qu'est-elle ? Mine de rien c'est une vraie question : qu'est-ce qu'une femme ? quand une "fille" devient-elle une femme ? Pour les garçons c'est facile : ils deviennent homme en prenant de l'âge, c'est tout ce qu'on leur demande. Mais une fille devient femme avec ses règles, ou par le mariage... en fonction des époques et des sociétés ce qui fait d'une fille une femme varie. Une femme qui n'a plus (ou n'a jamais eu, à cause d'une malformation de naissance qui ferait qu'elle n'a pas d'utérus par exemple, ou qui se l'est fait retirer) ses règles est-elle encore une femme ?
Ce matin j'ai lu un article de Aloha Tallulah qui abordait la question de savoir comment se placer entre l'identité de mère et celle de la femme qui travaille. Et elle disait : "Cette idéalisation de la maternité ne fait pas que du bien, on peut le prendre comme "les femmes qui n'ont pas d'enfants sont moins femmes que les autres"", ce qui m'a particulièrement interpellée puisque je venais tout juste de penser à écrire cet article. Ce qu'elle dit est particulièrement vrai. Quelle femme qui ne veut pas d'enfant ne s'est pas déjà retrouvée confrontée à des réactions d'étonnement, des reproches, ou même le presque doux mais non moins redoutable "tu as encore le temps de changer d'avis" ? Comment-ça, j'ai encore "le temps de changer d'avis" ? Mais je ne veux pas changer d'avis bordel de merde ! Une femme sans enfants, et qui n'en veut pas, n'est donc pas une femme ? Dans la mesure où une femme se définit en premier lieu par le mariage et la maternité, alors une femme non mère et non mariée n'est pas une femme (et donc une femme qui n'a pas ou plus ses règles n'est pas ou plus une femme puisqu'elle ne peut plus produire d'enfants à la société (au passage ça fait donc d'elle une inutile)).
Une femme doit aussi être féminine. Une "vraie femme" est une femme féminine. Donc une femme qui laisse pousser ses poils a besoin d'une "reféminisation". Une vraie femme est une femme qui se rase, qui s'épile, qui se "fait belle". Une vraie femme est une femme féminine et donc une femme qui porte des jupes et des robes. Je me souviens qu'en Quatrième j'avais mis une jupe, un jour d'été, et une prof m'avait dit "oh ! tu t'es habillée en fille, aujourd'hui !". Habillée en fille... euh... merci ? Je-je crois. Je ne suis pas sûre. Si on pousse un peu on pourrait presque dire qu'une fille qui ne s'habille pas en fille n'est pas une fille. Et je ne suis même pas sûre que l'on ait besoin de pousser tant que ça parce que la peur de l'inversion, de la confusion des sexes a terrifiée nos ancêtres pendant très longtemps, interdisant le travestissement par exemple (si ça vous intéresse je vous invite à lire La confusion des sexes. Le travestissement de la Renaissance à la Révolution, de Sylvie Steinberg – je vous ai même dégoté un compte rendu si vous voulez vous faire une idée). Donc une fille qui ne s'habille pas en fille n'est pas une fille. Mais, parallèlement et de manière tout à fait paradoxale, les femmes se font siffler dans la rue quand elles portent des jupes (quoi que, une États-unienne avait marché des heures dans New York, en pantalon noir et T-shirt sans décolleté et elle s'était quand même faite siffler).
Aloha Tallulah avait une autre réflexion très intéressante sur l'animalisation des femmes noires desquelles on dénie la féminité en les ramenant à un animal, ou en les masculinisant. Comme si on n'avait pas assez de la misogynie et qu'il fallait en plus mettre une question ethnique là-dedans ; c'est pas gagné mais c'est pas nouveau. Au moment de la colonisation on prêtait vraiment attention aux questions de domination. Autrement dit un homme blanc pouvait batifoler avec toutes les autochtones qu'il voulait mais un homme noir ne pouvait pas toucher une femme blanche sous peine de la souiller (et c'est le même argument encore aujourd'hui de certains fous). Une femme noire est donc, on pourrait dire, en bas du bas de l'échelle : elle est femme, et elle est de couleur (manquerait plus qu'elle soit lesbienne et là ce serait fini pour elle). Le titre d'Aloha Tallulah était provocant mais finalement la question qu'il pose est une vraie question. Est-ce que ce qui fait d'une femme une femme est réservé aux Caucasiennes ? Est-ce que la couleur de peau est un facteur excluant de ce qui fait d'une femme une femme ? Qu'est-ce qu'une femme ?
La notion de "reféminisation" est assez intéressante par le "re" qui induit qu'il y a eu précédemment un "dé", une déféminisation, ici par le "laisser-aller" de la pousse du poil. La féminisation serait le fait de se raser, ou s'épiler, tout à fait régulièrement de manière à ce que le poil n'apparaisse jamais ; la déféminisation serait le laisser-aller qui demande une reféminisation d'urgence. Féminisation : donc une femme n'est pas féminine par nature : on lui apprend à l'être : rase-toi, épile-toi, mets des robes, maquille-toi ; sois belle (avant d'elle intelligente ou talentueuse). Donc une femme n'a pas besoin d'être féminine pour être femme ou alors quand elle naît elle n'est pas femme (ce qui introduit la question du genre et du sexe social construit).
Je sais que j'ai déjà écrit pas mal d'articles sur ce thème, mais je trouvais intéressant de l'aborder sous cet angle.
Qu'en pensez-vous ?
Source photo – Campagne Dove
Une femme doit aussi être féminine. Une "vraie femme" est une femme féminine. Donc une femme qui laisse pousser ses poils a besoin d'une "reféminisation". Une vraie femme est une femme qui se rase, qui s'épile, qui se "fait belle". Une vraie femme est une femme féminine et donc une femme qui porte des jupes et des robes. Je me souviens qu'en Quatrième j'avais mis une jupe, un jour d'été, et une prof m'avait dit "oh ! tu t'es habillée en fille, aujourd'hui !". Habillée en fille... euh... merci ? Je-je crois. Je ne suis pas sûre. Si on pousse un peu on pourrait presque dire qu'une fille qui ne s'habille pas en fille n'est pas une fille. Et je ne suis même pas sûre que l'on ait besoin de pousser tant que ça parce que la peur de l'inversion, de la confusion des sexes a terrifiée nos ancêtres pendant très longtemps, interdisant le travestissement par exemple (si ça vous intéresse je vous invite à lire La confusion des sexes. Le travestissement de la Renaissance à la Révolution, de Sylvie Steinberg – je vous ai même dégoté un compte rendu si vous voulez vous faire une idée). Donc une fille qui ne s'habille pas en fille n'est pas une fille. Mais, parallèlement et de manière tout à fait paradoxale, les femmes se font siffler dans la rue quand elles portent des jupes (quoi que, une États-unienne avait marché des heures dans New York, en pantalon noir et T-shirt sans décolleté et elle s'était quand même faite siffler).
Aloha Tallulah avait une autre réflexion très intéressante sur l'animalisation des femmes noires desquelles on dénie la féminité en les ramenant à un animal, ou en les masculinisant. Comme si on n'avait pas assez de la misogynie et qu'il fallait en plus mettre une question ethnique là-dedans ; c'est pas gagné mais c'est pas nouveau. Au moment de la colonisation on prêtait vraiment attention aux questions de domination. Autrement dit un homme blanc pouvait batifoler avec toutes les autochtones qu'il voulait mais un homme noir ne pouvait pas toucher une femme blanche sous peine de la souiller (et c'est le même argument encore aujourd'hui de certains fous). Une femme noire est donc, on pourrait dire, en bas du bas de l'échelle : elle est femme, et elle est de couleur (manquerait plus qu'elle soit lesbienne et là ce serait fini pour elle). Le titre d'Aloha Tallulah était provocant mais finalement la question qu'il pose est une vraie question. Est-ce que ce qui fait d'une femme une femme est réservé aux Caucasiennes ? Est-ce que la couleur de peau est un facteur excluant de ce qui fait d'une femme une femme ? Qu'est-ce qu'une femme ?
La notion de "reféminisation" est assez intéressante par le "re" qui induit qu'il y a eu précédemment un "dé", une déféminisation, ici par le "laisser-aller" de la pousse du poil. La féminisation serait le fait de se raser, ou s'épiler, tout à fait régulièrement de manière à ce que le poil n'apparaisse jamais ; la déféminisation serait le laisser-aller qui demande une reféminisation d'urgence. Féminisation : donc une femme n'est pas féminine par nature : on lui apprend à l'être : rase-toi, épile-toi, mets des robes, maquille-toi ; sois belle (avant d'elle intelligente ou talentueuse). Donc une femme n'a pas besoin d'être féminine pour être femme ou alors quand elle naît elle n'est pas femme (ce qui introduit la question du genre et du sexe social construit).
Je sais que j'ai déjà écrit pas mal d'articles sur ce thème, mais je trouvais intéressant de l'aborder sous cet angle.
Qu'en pensez-vous ?
Source photo – Campagne Dove